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LE FORMATAGE OU LE FORMAT TUE?

Des nouveaux formats formatés

Depuis quelques années on assiste à de grandes transformations dans l’univers de la présentation, de la prise de parole, de la conférence.
Ces transformations ont été mises en avant par les prestations innovantes et remarquées de Steve Jobs puis plus largement répandues par le phénomène des conférences TED. Conséquence, de plus en plus de dirigeants, managers, entrepreneurs, start-upper, conférenciers…. comprennent qu’en prenant la parole en public ils peuvent provoquer de grands changements et influencer les comportements. Cette prise de conscience implique un travail de préparation pour façonner un message clair, concis, compréhensible, mémorisable et bien sûr inspirant.

Ce travail de préparation soulève alors une question de plus en plus controversée, celle du « formatage ».  Ce fameux formatage qui nuirait à toute forme d’authenticité, de sincérité, de naturel… et par conséquent serait totalement contreproductif pour engendrer l’inspiration.

J’aimerais aborder cette question sous un autre angle que j’adresse particulièrement aux détracteurs de ces « nouveaux » formats dit formatés.
Qu’est-ce qui, aujourd’hui comme hier, n’est pas formaté ?

Une pièce de théâtre en alexandrins ?
Un discours politique ?
Une dissertation, thèse, antithèse, synthèse ?
Un opéra classique ?
Le cinéma ?
Les émissions de télé ?
Le rock ?
Les vœux du Président ?
….

Qu’on aime ou pas l’Opéra, difficile de dire que le ballet qui l’accompagne n’est pas issu d’une formation académique tout ce qu’il y a de plus formaté.
Qu’on aime ou pas Molière, Shakespeare, la poésie, la littérature… difficile de dire qu’il n’existe pas des codes, des règles qui contribuent à faire de ces différents genres ce qu’ils sont.

Quelle que soit la discipline il existe des règles qui permettent d’identifier à quel genre appartient telle ou telle œuvre. De tout temps des artistes, intellectuels, chercheurs, se sont pliés à ces codes afin de pouvoir faire avancer leurs réflexions, leurs recherches, leurs travaux…

Puis, une génération poussant l’autre, des courants différents apparaissent, souvent controversés pour ensuite devenir la « nouvelle » norme. Ces courants, dits alternatifs à leur apparition, se voient opposer de nombreux détracteurs tant ils remettent en question la vision du monde forgée sur les bases des règles établies par les générations précédentes. Van Gogh s’en retourne encore dans sa tombe. 
De nouveaux formats apparaissent, ne respectant pas les normes du formatage communément admis, et s’appuyant sur des codes nouveaux issus des visions insufflées par l’évolution du monde.
Ainsi en est-il du RAP, apparu dans les années 80, controversé et identifié comme un mouvement éphémère. Aujourd’hui musique préférée des jeunes tous milieux confondus. 
Ainsi en est-il de ces artistes exposés lors du Salon des refusés en 1863. Rejetés de l’exposition officielle des Beaux-Arts pour avoir transgressé les codes. Et que dire des impressionnistes dont le mouvement, 10 ans plus tard, deviendra une des périodes les plus appréciées de notre époque.

Alors oui, les formats d’expression « nouveaux » comme TED (18 mn), ou keynote (45 mn) ou encore conférence/spectacle sont des formats qui répondent à des règles et que ces règles, en effet, relèvent du formatage.

Le « formatage » est partout. Faut-il s’en plaindre, critiquer et remettre en cause ces formats tant appréciés hier et pas loin d’être décriés aujourd’hui ? (Beaucoup de billets sur ce sujet ces derniers temps).

C’est bien ou pas bien les règles ?

Ma conviction, après plusieurs années d’accompagnement auprès de dirigeants, de conférenciers, de speakers TEDx, c’est que les règles et les formats posent le cadre nécessaire à une intervention remarquable. Vous pouvez écrire le plus beau des textes, la plus belle des pièces de théâtre, la meilleure conférence qu’il soit, tout ça n’aura aucune valeur tant que l’orateur ne l’aura pas intégré à sa séquence ADN, en clair tant qu’il ne l’aura pas dans la peau. Et c’est très souvent ce qui manque aux interventions qu’on qualifie de « formatées ». Justement parce que l’orateur n’a pas fait pénétrer son texte dans chaque cellule de son corps, l’auditeur ne verra bientôt plus que le « formatage ». Or, point d’authenticité, point de sincérité, point d’amour dans la restitution d’un texte qui n’émane pas du plus profond de notre âme. A ce stade il est donc normal de voir les ficelles, parfois grossières, du travail de préparation. 

Pour aller dans le sens de ceux qui manifestent un « ras le bol » du formatage, nous pourrions simplement laisser faire. Que chaque orateur se contente de monter sur scène « comme il est » pour ainsi afficher une grande part d’authenticité.
Si vous en connaissez, je suis preneur. J’en ai croisé quelques-uns mais vraiment pas beaucoup. Les orateurs ne sont pas plus authentiques sans préparation. Ils sont surtout, excusez-moi du terme, plus chiants. 

Ce n’est donc pas à mon sens le « formatage » qui nuit à l’authenticité mais simplement le manque de préparation et d’expérience de la scène.

Je ne suis donc pas de ceux qui sont contre les formats qui imposent un certain « formatage », je suis de ceux qui pensent que le travail de l’orateur commence une fois le format respecté. 
Avant de transgresser une règle et pour s’en affranchir, il faut être aller au bout de la règle, y compris dans les recoins les plus absurdes.  Une fois ces recoins visités, alors chaque orateur pourra proposer sa manière de partager ses idées, de créer du lien avec la salle, de créer cette alchimie unique avec son public qui ne ressemblera à aucune autre. Il s’agit tout simplement d’afficher sa propre singularité.

Quand je vois une intervention « formatée » je ne remets pas en cause le format, je constate juste le manque de préparation. Ce qui est à mon sens, très différent.

Mon coach m’a format(u)er

Notre responsabilité en tant que coach n’est pas d’imposer ni de réfuter le format, elle consiste à élever le niveaux de conscience de ceux que nous accompagnons pour qu’ils puissent faire le chemin jusqu’au bout en passant par ces 3 étapes clés :

1 – Respecter le format
2 – Remettre en cause le format
3 – Trouver sa voie

Malheureusement trop d’intervenants s’arrêtent à la première étape. Notre responsabilité de coach trouve donc sa place ici pour pousser nos coachés à franchir les 2 autres étapes. Nous nous devons de le faire afin d’éviter les remarques du genre : Mon coach m’a Format(u)er